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[extrait]

Cher Journal,

Pour me faire pardonner le voyage en brouette, j'ai offert à Yaya toutes les belles cartes postales de la maison rose que j'avais achetées en ville, avec Samy.

Elle m'a posé la main sur la joue.

"Sol, tu as bon coeur, tu as bon coeur, mon petit, répétait-elle.

- Regarde..."

Elle a fouillé dans le col de sa djellaba et en a sorti une chaîne en or. Au bout, se balançait une jolie clé.

"C'est celle de la maison rose..."

Elle a levé les bras derrière sa nuque pour ouvrir le collier, faire glisser la clé dans sa main...

"Je te la donne."

Je n'en croyais pas mes oreilles. J'ai protesté, dit que c'était à elle, que c'était important pour elle, qu'il fallait qu'elle la garde. Rien à faire.

"Je voulais te l'offrir plus tard. Quand tu deviendrais un jeune homme... Mais, tu l'es déjà. Dans ta tête et dans ton coeur."

Je ne trouvais plus mes mots, serrais la clé dans ma main.

"Je suis fière de toi, Soliman." D'un coup, les paroles de Samy, prononcées dans le vieux quartier, devant la maison rose, me sont revenues...

Ne t'en fais pas ! Un jour, tu reviendras ici. Et pour de bon.

J'ai ouvert la bouche, sur le point de dire à Yaya, de lui promettre, qu'un jour, cette clé, de nouveau, ouvrirait la porte de sa maison... Mais, comme si elle avait deviné, lu mes pensées, elle a mis son doigt sur mes lèvres et froncé les sourcils.

"Non, Sol, ne me promets pas l'impossible... Je suis vieille. La maison rose appartient au passé. Dans mes souvenirs, elle reste sans doute plus belle qu'elle ne le sera jamais en réalité. J'y ai vécu des jours heureux. Les plus belles années de ma vie... Ce que je veux, c'est que toi, tu trouves ta maison rose. Ici, ailleurs, peu importe... La terre, la mémoire, c'est très important. Mais la vie est si courte ! Il faut savoir, aussi, aller de l'avant."