[extrait]

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Chère Paloma,

Aujourd'hui, je me suis levée tôt. Il faisait nuit encore. J'ai mis ma robe noire et mon foulard blanc, noué sur mes cheveux. J'allais sortir pour me rendre au marché, sur le port, mais mon reflet dans le miroir de la cuisine, m'a retenue : ce visage sans expression, aux traits tirés, au regard vide...

Je ne me suis pas reconnue.
Si tu me voyais, Paloma... Depuis quatre ans, je me suis laissée vaincre. Par le temps passé à t'attendre, par l'espoir sans cesse déçu, par la tristesse et le découragement.
Au début, je ne voulais pas croire à ta "disparition".
Je pensais : "Ils l'ont enlevée, interrogée, mais comme elle refuse de parler, ils la gardent en prison." Je me répétais cela jour et nuit. Pour me rassurer. Ne pas devenir folle.
Toutefois, les rumeurs couraient vite, que je n'entendais pas.
Je m'asseyais dans le fauteuil, en face de la porte d'entrée. Je restais là, pendant des heures, à espérer qu'elle s'ouvre. J'imaginais la scène, nos retrouvailles...

Tu allais revenir épuisée, terriblement amaigrie. Je m'y préparais. Te serrer dans mes bras, te soigner, te nourrir. Je te ferais couler un bain, chaud et parfumé. Ton plat préféré, mon poulet aux épices, mijotait déjà sur le feu.

Les heures, les jours, les mois se sont succédés sans nouvelles.
Rien.
Alors, peu à peu, doucement, sur la pointe des pieds, l'espoir s'en est allé.

Plus de mots qui apaisent, puis plus de mots du tout.

Le désespoir est muet.
Pourtant, aujourd'hui, je t'écris...